2009-05-14 au 2009-10-15

Mémoires de papier




L’exposition du CDMH «Présence juive entre Moselle, Meuse et Rhin d’après la carte postale illustrée (fin XIXe – début du XXe siècle)» sera présentée à partir du 14 mai 2009 et jusqu’au 15 octobre au Musée Juif de Belgique à Bruxelles dans le cadre de la manifestation «Mémoires de papier» consacrée à la carte postale, dite juive. Elle accompagnera dans une nouvelle scénographie un projet propre du musée s’intéressant plus particulièrement à la présence juive en Belgique d’après la collection de Gérard Silvain (Meudon, France).

Contacts:

Musée Juif de Belgique
Rue des Minimes, 21
1000 Bruxelles
Téléphone (02) 512 19 63
www.new.mjb-jmb.org

Informations concernant la collection Gérard Silvain:
www.jewish-memories.com






HISTORIQUE ET SOCIOLOGIE DE LA CARTE POSTALE

En 1865, dans le but de perfectionner le circuit de la correspondance, le secrétaire d’état aux postes du royaume de Prusse, Heinrich Von Stephan, propose une «feuille poste», qui serait émise par son administration. Cette innovation est refusée par l’Allemagne ultra conservatrice de Guillaume Ier parce qu’elle lève l’inviolabilité des échanges épistolaires garantie depuis des siècles sur l’ensemble de la planète.

Mais, quatre ans plus tard, un obscur professeur de l’école d’économie de Graz, en Autriche, reprend l’idée à son compte, l’améliore et la fait adopter par le directeur des postes de l‘empire austro-hongrois. Le 1er octobre 1869, la «carte de correspondance» était née. L’année suivante, le Luxembourg, la Bavière, le Würtemberg et la Suisse introduisent la carte postale dans le circuit officiel tandis qu’en 1871, l’Allemagne, la Belgique, le Danemark et le Canada cèdent à leur tour à la modernité. En 1872, pendant que la Russie, la Suisse et Ceylan imitent leurs prédécesseurs, la France, par la loi de finances du 20 décembre officialise la naissance de la carte postale.

Tout d’abord exclusivement destiné à la correspondance, ce nouveau carton s’orne d’une illustration, sans que l’on puisse déterminer avec précision la date à laquelle la «carte illustrée, image et texte postés à découvert à l’intention d’un destinataire», a vu le jour.
Cette invention révolutionnaire va très rapidement séduire clients et éditeurs, et se lancer à la conquête du monde. En 1899, l’Allemagne qui compte cinquante millions d’habitants produit quatre vingt huit millions de cartes. La Belgique, avec six millions deux cent mille habitants en produit douze millions alors que la France, avec ses trente deux millions d’habitants, n’en produit que huit. Dix ans plus tard, pour la seule année 1910, la France imprime cent vingt trois millions de cartes, trente trois mille travailleurs étant employés par cette nouvelle industrie

Pourquoi cet extraordinaire succès?

Parce que la carte postale ouvre un nouvel espace de liberté qui permet à celui qui aime de l’écrire sans contrainte par une formule lapidaire. Que celui qui hait peut le faire savoir à tous ceux qui vont le lire, faisant de ce bristol un formidable vecteur d’information et de propagande.

Parce que la carte postale encourage la paresse puisqu’elle permet au scripteur de jeter quelques mots bâclés sur un petit rectangle formaté, lui évitant ainsi de se livrer à un périlleux exercice de maîtrise de la langue imposé par les règles traditionnelles.

Parce que l’image de la carte postale «vaut 100.000 mots» et qu’elle résume d’un coup d’œil toutes les explications que l’expéditeur était obligé de détailler lors d’un déplacement ou d’un lointain voyage, les motivations de ses convictions politiques ou religieuses ou la relation d’un événement local, national, ou international auquel il avait assisté.

Parce que la carte postale, qui coïncide avec l’avènement de l’ère industrielle, est le moyen de correspondance mise à la disposition du plus grand nombre pour la somme la plus modique.

Parce que la carte postale, enfin, est la gardienne incontestable de la mémoire des hommes.
N’a-t-elle pas joué, en effet, pendant une longue période, le rôle que tient actuellement la télévision?

Trop longtemps méprisée et méconnue par les chercheurs, les ethnologues, les historiens et les sociologues, elle a enfin conquis ses lettres de noblesse, et dans un certain sens, elle a contribué à la construction de l’histoire du monde.


Gérard Silvain
(Extrait du catalogue de l’exposition)